L'ENFER DU DÉCOR

CRISE DE CONSCIENCE

Par Raymond Franz

 

Description :

L'envers d'un décor est toujours instructif. On perd en rêve ce que l'on gagne en lucidité.

 

Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qui se passait au sein de ce comité d'une dizaine de personnes qui régit la vie de millions d'autres : le Collège Central des Témoins de Jéhovah ?

 

Les hommes encore en vie qui ont témoigné de ce qui se passait au sein de ce Collège se comptent sur les doigts d'une main. Les Témoins de Jéhovah ont pour ce noyau enseignant une révérence absolue. Il est le Dispensateur de la Vérité, le Canal précieux pour dispenser la connaissance de Dieu lui-même, le Téléphone Rouge en lien direct avec l'Au-Delà. Les Témoins de Jéhovah imaginent en leur for intérieur un groupe d'hommes choisis pour leur sagesse éminente, de fins érudits aptes à dire le vrai en matière théologique, une caste suprème tout à la fois engagée dans la méditation profonde des Ecritures et la prière et oeuvrant activement pour une stratégie mondiale de développement de l'avoir du Seigneur.

 

Voilà le spectacle rassurant et laudatif que voudrait promouvoir et entretenir ce même groupe d'hommes. Tout va bien tant que le spectateur ne va pas se promener dans les coulisses et découvrir l'enfer du décor. S'il le fait, sa vue du spectacle ne sera jamais plus la même. Il regardera d'un air amusé et vaguement complice ce qui se dira du haut de la scène, il aura compris que ce qu'on lui présente est en réalité tout ce qui a de plus factice et que les acteurs ne présentent au public qu'un travestissement de la vérité.

 

Cet homme qui vient vous conter par le menu l'envers du décor a pour nom Raymond Franz.

 

Le nom de Franz n'est pas inconnu des Témoins de Jéhovah. Son oncle Frederick Franz fut avant même de devenir Président de la Société Watchtower l'éminence grise du précédent, Nathan Knorr. Raymond Franz a été associé étroitement au comité de rédaction de l'enyclopédie biblique publiée en 1971 par les Témoins de Jéhovah, nommée Aid to Bible understanding, Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible, en français [1]. Il a notamment eu en charge la rédaction des articles « ancien » et « chronologie », ce dernier thème l'ayant amené à la conclusion qu'aucun élément historique externe à la Bible n'accréditait la date de 607 avant notre ère comme la date effective de destruction de Jérusalem.

 

De 1971 à 1980, Ray Franz a fait partie du Collège Central des Témoins de Jéhovah. Ce qu'il a vu quant à son fonctionnement et ses pratiques pendant 9 années l'ont mené à la démission et à l'exclusion du rang des Témoins de Jéhovah. Cet homme de conviction a été témoin de trop de malversations pour rester en place au sein d'un groupe que d'aucuns trouveraient privilégié et se murer passivement dans un silence complice. Dans son livre il dénonce et entrouvre pour nous tous le rideau du Très-Saint, il nous fait visiter l'envers du décor. Et vous n'aimerez pas ce que vous y verrez : lacheté, hypocrisie, conflit d'intérêts, arbitraire dans le jugement, érudition d'opérette.

 

Car plus grande est l'illusion, plus grande est la désillusion. L'ignorance entretenue des Témoins de Jéhovah sur le fonctionnement du Collège Central est patent. 

 

Raymond Franz l'a dénoncé à plusieurs reprises : 

"Mais c'est un fait que parmi les Témoins de Jéhovah très peu savent comment fonctionne le noyau central de l'organisation. Ils ne savent pas comment sont prises les décisions concernant les enseignements doctrinaux, comment le Collège Central qui dirige leurs activités mondiales mène à bien ses discussions, si les décisions sont toujours unanimes et ce qui se passe dans le cas d'un désaccord. Et comme le Collège Central se réunit à huis clos, rien de ceci ne transpire. Je ne peux me souvenir que de deux ou trois occasions durant mes neuf années au Collège au cours desquelles des personnes, autres que les membres nommés, furent autorisées à assister à une session normale du Collège. Et ce n'était que pour présenter un rapport demandé par le Collège Central, après quoi on les remerciait et le Collège Central continuait ses délibérations en secret l'importance de leur rapport ne donnant aucune qualification à ces personnes pour participer à la discussion. De plus, aucune information précise n'est donnée aux Témoins pour ce qui est des recettes, des dépenses, des avoirs et des investissements de la Société (même s'ils en ont un bref compte-rendu dans l'Annuaire qui paraît chaque année) [2]. C'est ainsi que bien des choses, généralement considérées comme des connaissances banales dans de nombreuses organisations religieuses, sont vaguement connues, voire pas du tout, par la grande majorité des Témoins de Jéhovah. Pourtant les décisions de ce minuscule groupe d'hommes qui compose le Collège Central peuvent, et c'est le cas la plupart du temps, affecter leur vie dans ses aspects les plus intimes et sont supposées être appliquées dans le monde entier". — p. 43.

 

En fait, non seulement les Témoins de Jéhovah ignorent comment fonctionne le Collège Central, mais ils sont de plus bercés de douces illusions. Notez avec intérêt l'affligeante constation qu'a pu faire à loisir Ray Franz durant ces 9 années passées au sein même du Collège Central. 

 

La plupart des Témoins de Jéhovah s'imaginent que les sessions du Collège Central sont des réunions d'hommes qui passent une grande partie de leur temps à l'étude intensive de la Parole de Dieu. Ils croient qu'ils se rencontrent pour réfléchir en toute humilité à ce qu'ils peuvent faire pour mieux aider leurs frères à mieux comprendre les Saintes Ecritures, et pour discuter de dispositions constructives et positives pour renforcer leur foi et leur amour, les qualités qui incitent aux oeuvres chrétiennes authentiques, tout cela au cours de sessions où on fait toujours appel à la Bible, qui est considérée comme la seule autorité légitime, sans appel et suprême.

 

Puisque toutes les sessions du Collège Central se déroulent entièrement à huis clos, seuls ses membres sont témoins de ce qui s'y passe. Comme nous l'avons déjà vu, les membres du Collège Central savaient mieux que quiconque que les articles de La Tour de Garde décrivant la relation entre la société et le Collège Central présentaient une image qui n'était pas en accord avec la réalité. Et les membres du Collège Central savent mieux que quiconque, que l'image décrite dans le paragraphe précédent diffère de beaucoup de la réalité.

 

J'ai donc passé neuf ans au Collège Central. En examinant les minutes réunion après réunion, on découvre que la caractéristique la plus frappante, constante et ce qui occupait quasiment tout notre temps, était la discussion de sujets qui, en fin de compte, se réduisaient tous à cette question : “Est-ce une raison d'exclusion ?”. Je pourrais comparer le Collège Central (et je l'ai souvent fait dans mon for intérieur), à un groupe d'hommes adossés à un mur, faisant face à de nombreuses personnes qui leur jettent des balles qu'ils doivent attraper et relancer. Les balles se suivaient si rapidement et étaient si nombreuses, qu'il ne restait que peu de temps pour quoi que ce soit d'autre. En fait il semblait que chaque décision d'exclusion qui était prise et envoyée, suscitait des questions supplémentaires présentant les choses sous un angle nouveau, ce qui laissait peu de temps pour la réflexion, l'étude, et des discussions et des actions vraiment positives et constructives.

 

Au cours des années, j'ai participé à de nombreuses sessions durant lesquelles on délibérait de matières qui auraient pu sérieusement affecter la vie d'un grand nombre d'individus, où néanmoins la Bible n'était jamais utilisée, ni même mentionnée par la plupart des participants. Il y avait des raisons pour cela, une variété de raisons. La plupart des membres du Collège Central admettaient être si absorbés par différentes occupations, qu'il leur restait peu de temps pour l'étude de la Bible. Je n'exagère pas si je dis qu'en moyenne, un membre ne passait pas plus de temps, et parfois moins, à une telle étude, que bien des Témoins du “commun des membres”. En particulier, c'était le cas pour quelques-uns des membres du Comité de Publication (qui comprenait les administrateurs et directeurs de la société de Pennsylvanie), car une quantité énorme de paperasseries leur incombait, et ils étaient évidemment d'avis qu'ils ne pouvaient ou ne devaient déléguer ce travail de révision, ni la présentation des conclusions et des recommandations à personne d'autre. Aux rares occasions où une discussion purement biblique était au programme, c'était généralement pour discuter d'un ou plusieurs articles que quelqu'un avait préparé pour La Tour de Garde et qui faisaient naître une objection. Dans ces cas-là, il arrivait fréquemment que même en ayant été prévenu une semaine ou deux à l'avance du sujet, Milton Henschel, Grant Suiter ou un autre membre de ce comité soit dans l'obligation de dire “je n'ai eu que le temps de regarder cela brièvement, j'ai été si occupé”. Il n'y avait aucune raison de douter qu'ils étaient réellement débordés.

 

Mais une question venait à l'esprit : comment alors peuvent-ils voter en bonne conscience et approuver ces articles quand ils n'ont pas eu le temps de méditer et faire de recherches dans la Bible pour en vérifier la véracité ? Une fois publié, ce serait accepté comme étant “la vérité” par des millions de personnes. Quelles paperasseries pourraient avoir autant d'importance ?

 

Mais ces frères n'étaient pas les seuls, car les discussions elles-mêmes démontraient clairement qu'en général, la majorité du Collège Central n'avait rien fait de plus que lire l'article proposé. Souvent le sujet avait pris naissance et s'était développé dans l'esprit du rédacteur, sans que le Collège Central ne soit consulté, bien qu'il soit souvent question d'une compréhension “nouvelle” des Ecritures, et souvent le rédacteur avait élaboré tous ses arguments et avait préparé une copie définitive sans avoir jamais discuté ou mis ses réflexions à l'épreuve avec qui que ce soit. (Même du vivant de Nathan Knorr, c'était là la marche normale suivie par Fred Franz, le rédacteur principal de la Société. Les idées et interprétations développées n'étaient examinées et discutées par d'autres personnes qu'une fois dans leur forme définitive, et d'habitude seul le président avait cette opportunité). Le raisonnement était souvent complexe et embrouillé, si bien qu'une lecture superficielle ne permettait jamais une analyse suffisante pour mettre à l'épreuve sa validité et déterminer s'il y avait une base biblique solide, ou s'il s'agissait seulement d'un cas de 'logique acrobatique', une jonglerie habile avec les textes qui leur faisait dire autre chose que ce qu'ils disaient en réalité. Ceux qui n'avaient fait que lire le sujet votaient habituellement en sa faveur ; quant à ceux qui avaient fait des recherches et un examen complémentaire, ils soulevaient en général de sérieuses questions. Ainsi après la discussion d'un article de Fred Franz qui présentait “la fête de la récolte” (célébrée selon la Bible, à la fin de la saison des récoltes), comme un événement dans l'histoire des Témoins au début de leur récolte spirituelle, un nombre suffisant vota en faveur de cette interprétation pour qu'elle soit acceptée. Lyman Swingle, qui n'avait pas voté en faveur de cet article et qui servait alors comme coordinateur du Comité de Rédaction déclara : “D'accord, si c'est ce que vous voulez faire, je l'enverrai à l'atelier pour que ce soit imprimé. Mais cela ne veut pas dire que je le crois. C'est juste une pierre de plus qui vient s'ajouter à l'énorme monument qui témoigne que La Tour de Garde n'est pas infaillible”.

 

Une deuxième raison expliquant le manque de véritables discussions bibliques résulte manifestement, je crois, de ce qui précède. La plupart des membres du Collège Central étaient peu versés dans les Saintes Ecritures, car leurs “activités débordantes” n'avaient rien de récent. En ce qui me concerne, jusqu'en 1965, j'ai été moi aussi tellement submergé” d'activités, que je ne trouvais que peu de temps pour étudier sérieusement. Mais je crois qu'il y a une raison encore plus profonde. Je pense que le sentiment prédominant était que de telles études et recherches n'étaient pas vraiment essentielles, que les règles et enseignements de l'organisation qui avaient été développés au cours de nombreuses décennies étaient un guide sûr, si bien que quelle que soit la motion proposée durant les réunions du Collège Central, tant qu'elle se conformait de façon satisfaisante à ces règles et enseignements traditionnels, elle devait être acceptable. — p. 130-132.

 

Ainsi la réalité, l'envers du décor que nous dépeint Ray Franz dénonce une bureaucratie affligeante où la part du spirituel est quasi-inexistante. L'image de l'esclave fidèle et avisé, classe biblique censée représenter le Collège Central, est singulièrement troublée (voir un court extrait de son témoignage en vidéo). Si le Collège Central est fidèle, il n'est fidèle qu'à l'Organisation qui l'a mis en place et dont il est devenu l'héritier et le garant. Si le Collège Central est avisé, il ne met ses talents qu'à perpétuer un système bien huilé. Exit la recherche de la vérité ou de l'intégrité intellectuelle, cela nuit aux belles certitudes. Et rien n'est plus malfaisant que le doute. Assurément si, en tant que Témoin de Jéhovah suffisamment courageux pour affronter la réalité en face, vous lisez ce livre destructeur et corrosif vous ne sortirez pas indemne de la découverte et de l'aventure. Vous aurez vu l'envers du décor et vous ne verrez jamais plus le spectacle que l'on veut vous présenter d'un oeil émerveillé et approbateur. Il est même possible que la représentation en vienne pour de bon à vous lasser et que vous quittiez la salle. Après tout l'esprit critique se forme aussi sur la base de ses lectures et de la perception de ses intuitions et sentiments intimes. Et si vous commenciez par une crise de conscience ?

 

Crise de Conscience est disponible en français auprès de l'éditeur Commentary Press. Pour en lire 5 chapitres autorisés, vous pouvez vous rendre sur le site d'Aggelia.be

 

[1] 7 livres à couverture bleue qui ont accompagné (c'est à dire orienté) l'étude biblique de millions de TJ. L'essentiel des matières traitées se retrouve dans la dernière encyclopédie Insight on the Scriptures, Etude perspicace des Ecritures - 1997.

[2] En 1978, un rapport financier donné au Collège Central indiquait un avoir de 332 millions de dollars (propriétés, dépôts en banque, etc.). Sans aucun doute, les biens actuels dépassent de loin ce montant. Même au sein du Collège Central, peu de membres étaient vraiment au courant de la nature des biens financiers de la Société - Cité par Raymond Franz dans son ouvrage.

 

Source :   http://www.viaveritas.fr