YHWH ET NOUVEAU TESTAMENT : DE NOM, NON !

Chapitre VI

Le chapitre précédent nous a montré les Témoins de Jéhovah en train de soutenir que le texte a été altéré… mais qu’il n’a pas pu être altéré car Dieu en a protégé la transmission.

Après tout, le chat de Schrödinger étant à la fois mort et vivant, le texte de la Bible peut bien être à la fois totalement fiable et falsifié. Mais les Témoins de Jéhovah n’ont malheureusement jamais eu l’idée de décrire la Bible comme un objet quantique…

 

Donc, la plupart du temps, les TdJ, lorsqu’ils auront à faire face de cette contradiction flagrante [1], se sentiront obligés d’arbitrer entre ces deux vérités prêchées plutôt que de dire que les deux sont aussi vraies l’une que l’autre, et choisiront plutôt de soutenir que les manuscrits du NT ne sont finalement pas si fiables que ça, et qu’ils ont subi une entreprise de falsification de la part des copistes des premiers siècles.

Dans leur discours, ces manuscrits ne deviennent plus alors que presque-fiables (quoi qu’ils puissent en dire eux-mêmes par ailleurs), sauf quand ils donnent tort aux TdJ…

 

Voyons quelques problèmes que soulève ce choix de la part des TdJ de soutenir leur groupe et son dogme plutôt que d’accepter le texte du NT pour ce qu’il est :

 

1- Choisir soi-même le texte qu’on veut lire, plutôt que le texte tel qu’il est : le plus sûr moyen d’avoir toujours raison.

Si vraiment la doctrine des TdJ sur la présence du Nom divin dans le NT devait être valide, cela impliquerait que Dieu permit, quoi qu’on puisse en dire, une altération systématique et “complète” (c’est-à-dire de TOUS) des manuscrits de sa Parole, au point qu’aujourd’hui, pour la retrouver dans son authenticité, on soit obligé de faire confiance à l’exégèse “humaine”. Car prétendre retrouver un (hypothétique) état antérieur du texte, plus authentique que le texte qui nous est parvenu, cela ne peut porter qu’un seul nom : c’est une exégèse.

 

On ne peut donc avoir accès à la véritable “Parole de Dieu” (dans l’idée des fondamentalismes chrétiens) que par l’intermédiaire de la “sagesse des hommes” (en l’occurrence celle des dirigeants jéhovistes), puisque celle-là est (au moins en partie) “perdue” dans le texte qui s’est transmis jusque nous.

 

Cela implique que ce que peuvent indiquer les 5000 manuscrits grecs du NT est sans valeur face aux affirmations exégétiques des TdJ. Qu’importe ce que nous apprennent ces manuscrits sur la question, même ceux du 2ème siècle, ce sont les TdJ qui ont imprimé la « vraie » version du NT, et les manuscrits qui sont tous erronés.

 

On ne peut donc pas reconnaitre la “vraie religion” à partir de la Bible (comme le revendiquent pourtant les TdJ), mais on ne peut que reconnaitre la “bonne” Bible à partir du dogme religieux. Il faut savoir d’abord ce qu’est la Vérité divine pour ensuite pouvoir corriger le texte : ou pour le dire autrement encore, on n’est plus résolu à croire en ce qui écrit dans la Bible, mais c’est le texte de la Bible qui est (re-)écrit en fonction de ce que l’on est résolu à croire.

 

Si la théorie jéhoviste est juste, cela signifie tout simplement qu’il n’y a plus aucun moyen “objectif” de connaitre la Bible, mais qu’il faille faire entièrement confiance à ce que l’on pense qu’elle doit être, c’est-à-dire qu’il faille ériger en vérité ce qui ne peut, au mieux, être qu’une opinion. De la part d’un Dieu qui est censé encourager l’humilité, c’est tout de même assez paradoxal…

 

En outre, le problème que cela nous pose, nous l’avons déjà évoqué dans le second volet de notre dossier, c’est que n’importe quelle doctrine peut-être soutenue avec ce genre d’arguments.

Les TdJ, à cause de la théologie qu’ils pensent avoir trouvé dans l’AT, redéfinisse ce que devrait être, à leurs yeux, le NT. Ils estiment que le Nom doit y être, même s’il n’y est pas. Mais… pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Qu’est-ce qui empêche n’importe qui de faire exactement la même chose, pour trouver dans le texte le point qu’il souhaite, lui, y trouver.

 

Je peux, si ça m’amuse, affirmer que l’Évangile selon Jean ne parlait pas à l’origine du “Paraclet” (ou “l’assistant” ou “le défenseur”, promis par Jésus à ses disciples en Jn 14.16), mais que c’était “Winston Wesson” qui apparaissait dans le texte original (avant sa falsification par la chrétienté apostate, bien sûr). Ainsi je suis le vrai Prophète annoncé par Jésus il y a 2000 ans (et d’ailleurs ma naissance est la preuve que cette prophétie est authentique, puisqu’elle s’est effectivement réalisée).

 

Est-il utile de préciser que cet exemple est très caricatural, volontairement, et que je ne prétends pas ici reproduire très exactement la mécanique des TdJ. La théorie jéhoviste est bien sûr plus subtile dans sa forme, moins grossière, mais sur le fond, elle pose le même problème que la doctrine du “Winston-Paraclet” : si le texte obtenu par la correction des traducteurs a plus de valeur que le texte qu’ils ont traduit, c’est qu’on reconnait au traducteur plus d’autorité qu’à l’auteur originel. On n’a donc pas accès à la “Parole de Dieu”, mais simplement à ce que des hommes lui feront dire. Vous refuserez mon exégèse à moi (et vous aurez bien raison !) sous prétexte qu’elle n’est jamais que l’affirmation d’un “humain”, mais ce que disent les TdJ sur le texte n’est pas moins “humain” (ou bien qu’est-il d’autre ? Inhumain ?) : ce n’est pas ce qui EST écrit dans le texte du NT. [2]

 

Il n’est guère étonnant qu’un certain nombre de TdJ choisisse plus volontiers cette option-là : puisqu’elle peut servir à affirmer absolument n’importe quoi, elle conviendra largement pour les conforter dans leur doctrine à eux.

Après tout, on a bien le droit de croire que le Collège Central des Témoins de Jéhovah a le droit de “retoucher” le texte biblique chaque fois que cela leur permet de valider leur doctrine, mais il faut alors en avoir au moins pleinement conscience, et ne plus prétendre qu’on base sa foi sur “la Bible”.

 

2-La vraie justification de la présence du Nom dans le NT des TdJ

Lorsque les exégètes jéhovistes justifient leur retouche du texte du NT, ils expliquent presque exclusivement qu’elle est motivée par le fait que les auteurs du NT citent l’AT, dans lequel apparait le Nom ; nous l’avons vu lors du second volet de notre étude. D’après eux, s’ils ont introduit le Nom divin dans le NT, c’est parce que les rédacteurs chrétiens citaient l’AT, qui le contenait.

 

Cette justification est, dans les fait, très approximative, pour ne pas dire équivoque, et à un double titre :

1) Premièrement, il est faux de dire que la TMN “restitue” le Tétragramme chaque fois qu’est cité un verset de l’AT qui le contient. Il y a un très intéressant contre-exemple, où le Tétragramme apparait dans le texte l’AT, mais où les traducteurs jéhovistes prirent bien la peine de laisser le mot “Seigneur” qu’on trouve dans le texte grec et de ne pas “rétablir” le Tétragramme présent dans le texte hébreu : c’est le passage de 1 Pierre 2:3, qui cite le Psaume 34:8 (où il est bien question de Yhwh).

 

Malheureusement (pour les TdJ), il est absolument incontestable que “Pierre” cite ce Psaume, non pour parler du Père, mais bien pour parler du Christ, comme l’indique le verset immédiatement suivant. Il faut, à ce sujet, ne surtout pas manquer l’explication embarrassée de la TMN, dans sa note en bas de page, qui justifie ce choix de laisser le mot “Seigneur” en citant F. Hort, dans un extrait qui nous apprend que la version de la LXX utilisée par Pierre ne contient PAS le Tétragramme, mais qu’il trouve bien (et donc qu’il a bien écrit) « o kurios », c’est-à-dire « le Seigneur », à cet endroit.

 

Malheureusement, les traducteurs TdJ semblent avoir la mémoire courte, puisque quelques lignes plus loin (en 3.10-12) Pierre cite toujours le MÊME Psaume (34), mais là, soudain , oubliant qu’ils viennent d’indiquer que la LXX que “Pierre” cite contenait « Kurios », reviennent à la théorie d’un texte source qui contiendrait Yhwh pour désigner Dieu. Et cette fois-ci, alors que le MÊME auteur cite le MÊME Psaume (34.14-16) on trouvera bien Jéhovah dans le texte de la TMN.

La Watchtower n’hésite donc pas à transgresser sa propre règle, dès que celle-ci se retourne contre sa vision des choses… La Watchtower fait manifestement ce qu’elle veut, quand elle veut. Elle devrait cependant peut-être avoir au moins la cohérence de traduire le MÊME livre en s’en tenant à UNE règle, mais éviter de sauter ainsi à un chapitre d’écart d’une façon de faire à l’autre, selon les besoins de la cause. Ça ne fait pas très sérieux !

 

 

JPEG - 53.3 ko

Bien difficile de retrouver les raisons

EXACTES de la Watchtower, lorsqu’il n’est

pas question d’une citation de l’AT. Personne

ne sait vraiment retrouver le pourquoi de ses choix…

 

2) Deuxièmement, la façon dont la Watchtower justifie sa méthode est volontairement trompeuse. En effet, alors que les traducteurs jéhovistes expliquent systématiquement qu’ils ont fait paraitre le Tétragramme, dans le NT, là où celui-ci contient une citation de l’AT, nous remarquons que, dans les faits, les versets du NT où est introduit le nom “Jéhovah” sont en majorité des versets qui ne citent pas l’AT. La seule justification qui soit clairement invoquée ne concerne que moins de la moitié des cas où ils ont choisi de remplacer “Seigneur” par le nom “Jéhovah”.

 

Plus précisément, sur les 237 occurrences du mot “Jéhovah” dans le NT version TdJ, seules 112 sont réellement des références à l’AT. Ainsi, dans la majorité des cas, les passages où les TdJ ont remplacé “Kurios ” par “Jéhovah” sont le résultat de motifs beaucoup moins limpides et évidents que ce que n’affirme la Watchtower.

L’immense majorité des TdJ est parfaitement incapable d’expliquer ce qui a motivé ces 125 autres choix.

Puisque ces 125 passages ne citent pas l’AT, pourquoi les TdJ ont-ils choisi d’ignorer ce qui est écrit en grec ? Comment ont-ils pu “décider” que c’était “Jéhovah” qui devait être là, alors que rien dans l’AT ne vient justifier ce choix ?

Nous y revenons un tout petit peu plus loin, mais nous relèverons auparavant simplement une petite curiosité statistique qui semble ne jamais avoir attiré l’attention des TdJ malgré son évidence.

 

3-Pourquoi seulement 237 occurrences

Même si les TdJ avaient raison et que le Nom doive bien apparaitre dans le NT, leur théologie, très centrée sur ce Nom au point d’en avoir fait l’objet de leur dénomination, n’en accuserait pas moins un véritable décalage avec ce qui ressort du NT.

Puisque même dans leur version retouchée du NT, ce Nom semble être clairement mis au second plan.

Comme nous l’avons vu dès le chapitre 1 de notre série, le Nom divin est très présent dans l’AT. Dans la TMN il apparait très exactement 6973 fois.

Or, même dans cette traduction, malgré les retouches effectuées au texte, il n’apparait que 237 fois dans le NT. Comment expliquer un tel écart de fréquence ? J’ai lu récemment sous la plume d’un TdJ que cette différence est normale, puisque l’AT est bien plus long que le NT… C’est ce qui s’appelle faire flèche de tout bois.

En effet, l’AT représente bien les trois-quarts environ de la Bible. Donc si 6973 représente trois-quarts du total, le dernier quart, pour notre ami TdJ, représente 237 ! Une petite règle de trois sur ma calculatrice personnelle me donne plutôt 2300, soit seulement une erreur du simple au décuple, mais elle est réglée sur la “sagesse mathématique des hommes”, je dois bien le reconnaitre.

 

Ainsi, si vraiment le nom Yhwh conservait pour les rédacteurs du NT la valeur qu’il avait pour ceux de l’AT, on devrait logiquement le trouver sous leur plume environ 2300 fois, et pas 237.

Allez ! Soyons encore plus précis : les TdJ aiment en général les chiffres.

L’AT comporte environ 23 200 versets. Si on divise ce nombre par les 6973 occurrences du Nom Yhwh, on se rend compte que ce Nom apparait dans un peu moins d’un verset sur 3, ce qui est énorme.

Pour sa part le NT regroupe environ 8 000 versets. Avec 237 occurrences seulement dans la TMN, ce Nom n’apparait plus que dans un verset sur 33, soit dix fois moins que dans l’AT.

 

Mieux encore, nous avons vu que sur ces 237 fois, ce Nom n’apparait 112 fois QUE parce que le rédacteur est en train de citer l’AT. Ce qui fait que si on prend en compte le nombre de fois où les rédacteurs sont censés vraiment utiliser eux-mêmes le Nom (en dehors de se contenter d’une citation), on n’a plus que 125 occurrences, soit seulement dans un verset sur 64 !

 

Même dans la TMN, lorsque les rédacteurs du NT parlent, racontent ou argumentent dans leurs propres mots, ils utilisent environ vingt fois moins le Nom divin que les rédacteurs de l’AT. Une telle différence est-elle donc anodine, insignifiante ?

 

On est bien obligé de constater qu’il y a une vraie rupture dans l’usage de ce Nom (et rappelons bien qu’on parle là de la version retouchée par les TdJ, pas du texte transmis qui, lui, ne l’utilise carrément JAMAIS !). Or les TdJ, qui ont fait de ce Nom un élément central de leur théologie, sont manifestement passés à côté de cette rupture, complètement, une rupture pourtant très nette. Ils démontrent une tendance marquée pour centrer leur culte sur un point propre à l’ancienne “Alliance”, et qui reste manifestement très accessoire à la “Nouvelle”, même dans “leur” Bible.

 

4-Qu’est-ce qui justifie les 125 occurrences où n’est PAS cité l’AT ?

Revenons donc à ce point, laissé en suspens. Là, je vous avertis, ça devient carrément ubuesque.

Car la Watchtower, lorsqu’il est question de citations de l’AT dans le NT, est au moins capable de présenter une justification de ses choix. Nous avons vu que cette justification passe par des affirmations gratuites pour parvenir à une généralisation abusive, mais au moins, elle suit une certaine logique, une certaine cohérence.

Mais nous avons vu aussi que dans la majorité des cas où la TMN introduit le nom Jéhovah là où il ne figure pas dans le texte grec, il n’est justement pas question de citations de l’AT. Alors pourquoi dans ces passages-là, où les rédacteurs du NT ne citent rien, les traducteurs jéhovistes choisissent-ils d’ignorer le kurios (ou le théos) qui est dans texte grec au profit de “leur” Jéhovah ?

 

La raison nous en est donnée rapidement, par une explication quelque peu embrouillée, et qui offre bien plus de questions que de réponses :

Traduction du Monde Nouveau, Appendice « 1-D : Le nom divin dans les Écritures grecques chrétiennes», page 1682 :

« Au cours des siècles, on a souvent traduit en hébreu les Écritures grecques chrétiennes, en partie ou intégralement. Ces traductions, qui sont signalées dans le présent ouvrage par la lettre “ J ” affectée d’un chiffre, ont restitué le nom divin dans les Écritures grecques chrétiennes à différents endroits. Elles ont rétabli le nom divin non seulement dans les passages tirés des Écritures hébraïques, mais aussi en d’autres endroits, chaque fois que la restitution s’imposait.

(…) Nous avons aussi cherché confirmation dans les nombreuses versions hébraïques que nous avons consultées. »

 

Attention : subtilité ! Ici le mot “version” est à comprendre dans le sens de “traduction”.

Ainsi donc, il existe des traductions en hébreu du texte grec, qui ont fait, avant la Watchtower, le choix de faire apparaitre יהוה là où le texte grec contient kurios ou théos.

Pour justifier sa décision de faire apparaitre le Nom divin là où il n’est pas, la Watchtower ne s’appuie donc que sur… le choix d’autres traducteurs.

 

Mais au nom de quoi ces traductions, qui ne reflètent donc que le choix de leurs traducteurs, se mettent-elles à avoir PLUS de valeur que le texte même qu’elles traduisent ? Comment peut-on considérer que ces traductions nous renseignent mieux que le texte grec ? Comment une traduction peut-elle devenir plus authentique que l’original ? Les TdJ ne fournissent pas de réponse à ces questions.

 

Ici l’argumentation de la Watchtower passe carrément au stade de la poudre aux yeux.

Poudre aux yeux, parce que la Watchtower joue sur le fait que l’hébreu, comme langue de traduction, évoquera sans doute, dans “l’inconscient” du lecteur non-averti, l’idée d’une “certaine authenticité”. C’est totalement spécieux : ces textes qui font apparaitre יהוה dans le NT n’ont absolument rien “d’authentique” : ce ne sont QUE des traductions, le texte original du NT qui a servi de base à ces traductions est bien le texte grec. Ainsi les TdJ essaient de nous faire croire que ces traductions, par un miracle inexpliqué, seraient plus authentiques que le texte qu’elles traduisent, du seul fait qu’elles sont en hébreu. On marche sur la tête. Que ces traductions soient en hébreu ne change rien au problème, pas plus que si elles avaient été en javanais ou en swahili : ce n’est pas le texte original, ce n’est qu’une traduction de ce texte...

 

Poudre aux yeux, ensuite, parce que les TdJ inventent pour l’occasion à ces traductions un système de référencement dans le but de les faire apparaitre comme des références solides. Ainsi ces traductions du NT en hébreu se voient affubler d’un référencement de type J1, J2, J3, etc., créé sur mesure par les TdJ, qui singent en fait le système conventionnel de classement des papyrus anciens (qui sont référencés par les chercheurs par un P suivi d’un nombre, comme, par exemple, le P75 reproduit dans le chapitre précédent) qui évoque plus ou moins l’idée d’une “équivalence” (en termes d’authenticité) avec ces très anciens manuscrits, comme si ces traductions étaient connues et reconnues par le monde de la recherche comme des sources importantes pour l’étude textuelle du NT.

 

Le lecteur a le sentiment que J18 est un témoin ancien du texte, à peu de chose près comme peut l’être P75.

Or ces textes sont des traductions modernes de la Bible [3]. Ces traductions datent pour les plus anciennes du XVIe siècle, la plupart datent du XIXe siècle, et la plus récente remonte aussi loin que 1986 !

Vous avez bien lu : une traduction qui a tout juste 35 ans se trouve référencée comme source textuelle, au milieu des codex du IVe siècle ou même des papyrus du de la fin du IIe, et l’on choisit même d’accorder plus d’authenticité à ces traductions modernes qu’aux textes antiques !

 

Lorsque la Watchtower nous explique que ces traductions ont eu lieu “au cours des siècles”, on pourrait imaginer que certaines de ces traductions sont très anciennes, basées sur de lointains témoins textuels qui auraient pu être perdus depuis ? La phrase n’est pas fondamentalement mensongère, mais elle oublie juste de préciser que c’est au cours des derniers siècles que ces traductions furent faites, et qu’on connait très bien le texte qui leur servaient de base. Ces traductions “modernes”, qu’elles soient en hébreu ou pas, ne nous apprennent ABSOLUMENT RIEN sur le texte original du NT, ni plus, ni moins !

 

JPEG - 84.2 ko
Un petit coup de pinceau, et on prendrait presque des éditions trinitaires pour une justification des théorie jéhovistes…

Poudre aux yeux, enfin, parce que la Watchtower n’expliquera jamais à ses lecteurs ce qui a motivé réellement les traducteurs de ces versions en hébreu ! Elle écrit (cf.plus haut) rapidement que le Tétragramme a été utilisé dans ces traductions en hébreu “chaque fois que la restitution s’imposait”.

Mais pourquoi cette “restitution” s’imposait-elle à ces endroits ? Qu’est-ce qui a précisément motivé ces traducteurs à faire apparaitre le Nom dans ces versets-là ? Comment ont-ils décidé que le Nom apparaitrait à tel endroit et pas à tel autre (lorsqu’il ne s’agit pas d’une citation de l’AT), puisqu’il n’est NULLE PART dans le texte qu’ils traduisaient ?

 

Tenez-vous bien : ce qui a motivé (au moins pour certains d’entre eux) ces traducteurs, c’était de convertir des Juifs au christianisme, et si ils ont introduit le Nom divin dans leur traduction du NT, c’était pour convaincre les Juifs que Jésus est Dieu. Ce sont des traductions d’inspiration trinitaires ! C’est pour ÇA que faire apparaitre le Téragramme dans le NT “s’imposait” à certains de ces traducteurs.

 

Par exemple, l’édition référencée J17 par la Watchtower est éditée par “The Society For Distributing The Holy Scriptures To The Jews”, et , mieux encore, la référence J18 fut éditée par la “Trinitarian Bible Society”.

Voulez-vous une preuve que ces traductions ont introduit le Nom pour prouver au lecteur Juif que le Christ est équivalent à Yhwh ?

 

Cette preuve se trouve dans la TMN elle-même. Dans la première lettre de Pierre (toujours…), on trouve au chapitre 3 verset 15, cette citation :

« Mais sanctifiez le Christ comme Seigneur dans vos cœurs… »

Ici, bien sûr, pas d’équivoque possible, la TMN nous traduira bien le “kurios” qu’on trouve dans le texte grec par “Seigneur”, sans faire d’histoire…

Mais la note en bas de page dans la TMN, au mot “Seigneur”, nous montre qu’ici, précisément, les versions en hébreu qui lui servent habituellement de références, de confirmation qu’on doit bien (ré)introduire le Nom divin à sa juste place, ont décidé que Seigneur devait être traduit par… Jéhovah !

  C’est le cas des traductions référencées par la Watchtower sous les numéros 7, 8, 11, 12, 13, 14, 16, 17 et 24.

Ici, ces versions indiquent donc (en hébreu) :

« Mais sanctifiez le Christ comme étant Jéhovah dans vos cœurs… »

 

Et c’est pour cette raison que la Watchtower est si évasive sur les mobiles qui ont poussé ces traducteurs à introduire le Nom divin dans leurs versions en hébreu. Ils nous disent très vite que le Nom a été introduit “chaque fois que la restitution s’imposait”, mais oublie de nous dire EN QUOI cette restitution s’imposait selon ces traducteurs…

 

Ce sont pourtant bien des versions que la Watchtower entend nous présenter en d’autres endroits comme “preuve” que le Nom divin doit être introduit dans le NT. Mais sur le verset précis de la première lettre de Pierre, tout à coup, ces traductions ne manifestent plus le moindre caractère d’authenticité. La Watchtower revient subitement au “kurios/Seigneur” que l’on trouve dans le texte grec.

 

Et la Watchtower nous apprend, dans une petite note en bas de page (à Mat 1.20) qu’il en va de même dans 72 autres versets !

Je vais me permettre un commentaire personnel sur ce point précis : c’est à mes yeux le signe d’une profonde malhonnêteté intellectuelle de la part des exégètes jéhovistes que d’appeler à témoins ces versions, pour justifier leur propre choix. Ici, il n’est plus seulement question de faire de l’apologie pour l’apologie, de faire flèche de tout bois, de tenter de justifier à tout prix sa doctrine. Cela va à mes yeux plus loin : il y a clairement “tromperie sur la marchandise”.

 

5-Cette introduction du Nom divin détruit parfois la cohérence interne du texte

L’ajout du Nom divin, en lieu et place du “Seigneur” que l’on trouve dans le texte grec ne change parfois pas grand chose au sens du texte. Par exemple, la toute première fois où la TMN (ou d’autres traductions, nous l’avons vu) opère cette subtilisation, c’est en Mat 1.20, où il est question en grec de “l’ange du Seigneur” ; les TdJ décident de remplacer cette expression par “l’ange de Jéhovah”. Mis à part le fait qu’il s’agit bien d’une altération du texte lui-même (ce n’est pas la “vraie” traduction du mot grec), on ne peut par contre pas se plaindre d’une altération du sens de ce texte. Cette introduction du Nom est fautive, car elle laisse entendre que le Nom est couramment employé par le rédacteur de Matthieu (ce qui est faux) mais le récit lui-même ne s’en trouve pas altéré.

 

Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, et la traduction du Monde Nouveau est parfois particulièrement fautive, car elle détruit la cohérence interne du texte. C’est notamment le cas dans deux passages de la lettre aux Romains :

Romains 10:9-13 (TMN) :

« 9 Car si tu déclares publiquement cette ‘ parole dans ta bouche même ’, que Jésus est Seigneur, et si tu exerces la foi dans ton cœur que Dieu l’a relevé d’entre les morts, tu seras sauvé. 10 Car c’est avec le cœur qu’on exerce la foi pour la justice, mais c’est avec la bouche qu’on fait la déclaration publique pour le salut. 11 Car l’Écriture dit : “ Quiconque met sa foi en lui ne sera pas déçu. ” 12 Il n’y a pas en effet de distinction entre Juif et Grec, car il y a le même Seigneur au-dessus de tous, qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent. 13 Car “tout homme qui invoquera le nom de Jéhovah sera sauvé”. »

Comme partout ailleurs dans le NT, le verset 13 (en grec) ne parle pas du “nom de Jéhovah” ou “de Yhwh”, mais de celui “du Seigneur” (Pâs gar ôs ân épikaléstètaï to önoma kuriou sothèsetaï).

Les TdJ, fidèles à leur dogme, décident que, puisque Paul cite ici une phrase du prophète Joël (2.32) et que ce dernier parle bien du “nom de Jéhovah” dans le texte hébreu, ce nom doit apparaitre ici. Comme d’habitude, le fait que Paul cite le texte GREC de Joël, et non pas le texte HÉBREU (où l’on trouve incontestablement le nom divin), n’entre pas en ligne de compte pour les TdJ.

Or, sur ce verset précis, cela ne fonctionne pas !

Ou, plutôt, ça ne fonctionne que si on renonce à considérer l’argumentation de Paul, la logique qu’il développe, pour ne plus lire la Bible que verset par verset.

 

Si je prends “bêtement” la citation de Joël par Paul, sortie du contexte où Paul la fait figurer, l’argument des TdJ peut sembler se défendre (mis à part le problème de confusion entre le texte hébreu et le texte de la LXX). Mais dès que l’on s’intéresse vraiment à ce qui est écrit dans la lettre aux Romains, et que l’on arrête de raisonner sur UN verset de cette épitre par rapport à UN verset de Joël, on se rend vite compte que quelque chose ne colle pas.

JPEG - 8.5 ko
Ne pas oublier tous ces petits mots, qui vous servent à comprendre l’articulation logique d’une argumentation.

En effet, on remarquera que Paul commence sa phrase par “car…”, au verset 13. Les mots de liaison sont essentiels à la bonne compréhension d’un texte, ils permettent d’en suivre l’articulation logique. Or en grec (comme en français) ce petit mot de liaison qu’utilise ici Paul (“car…”) a un sens précis : il indique que ce qui suit explique ou légitime de ce qui précède. Et que lit-on juste avant cette citation de Joël ?

Que “le Seigneur est riche pour tous ceux qui l’invoquent”.

Et qui est ce Seigneur, qui doit être invoqué ? Le verset 9 nous le dit sans aucune ambiguïté. Il faut déclarer publiquement que Jésus est le Seigneur.

 

Voici comment se traduit naturellement ce passage :

Nouvelle Bible Segond :

"« 9 En effet, si avec ta bouche tu reconnais en Jésus le Seigneur (kuriôn), et si, avec ton cœur, tu crois que Dieu l’a réveillé d’entre les morts, tu seras sauvé.10 Car c’est avec le cœur qu’on a la foi qui mène à la justice, et c’est avec la bouche qu’on fait l’acte de reconnaissance qui mène au salut. 11 L’Écriture dit en effet : Quiconque croit en lui ne sera pas pris de honte. 12 Il n’y a pas de distinction, en effet, entre Juif et Grec : ils ont tous le même Seigneur (kurios), qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent.13 Car quiconque invoque le nom du Seigneur (kuriou) sera sauvé." »

Paul cite en effet Joël, certes, mais n’applique pas du tout ce verset à Yhwh, ni au Père, ni à Dieu, mais bien au Seigneur [4]), qui, au verset 9, et sans aucune ambiguïté, est identifié à Jésus.

 

Le propos de Paul ici, c’est de pousser le lecteur à invoquer Jésus comme Seigneur pour être sauvé, et c’est dans cette idée qu’il introduit sa preuve textuelle de Joël : « Il faut invoquer Jésus comme Seigneur parce que quiconque invoque le nom du Seigneur sera sauvé. »

Ici la traduction des TdJ en traduisant deux fois “kurios” par “Seigneur”, mais la troisième fois par Jéhovah à quelques versets de distance brise toute la cohérence de l’argumentation paulinienne.

 

A contrario, le fait que Paul cite justement ce passage ici, pour prouver qu’il faut “invoquer Jésus comme Seigneur” nous prouve qu’il trouve bien “kurios” dans le texte grec auquel il se réfère. C’est justement parce qu’il trouve “kurios” dans son texte de Joël qu’il consulte qu’il peut l’utiliser ici. Si le “texte-preuve” (« car… ») que cite Paul devait porter un autre mot que kurios, Paul n’aurait aucune raison de le citer ici !

On retrouvera le même problème quelques pages plus loin, avec le passage de Romains 14.6-9 (TMN)

 

« 6 Celui qui observe le jour l’observe pour Jéhovah (gr. kurio). De plus, celui qui mange, mange pour Jéhovah (gr. tô kuriô), car il rend grâces à Dieu ; et celui qui ne mange pas ne mange pas pour Jéhovah (gr. tô kuriô), et pourtant il rend grâces à Dieu. 7 Aucun de nous en effet ne vit que pour ce qui le concerne, et aucun ne meurt que pour ce qui le concerne ; 8 car si nous vivons, nous vivons pour Jéhovah (gr. tô kuriô), et de même si nous mourons, nous mourons pour Jéhovah (gr. tou kuriou). Donc, si nous vivons et de même si nous mourons, nous appartenons à Jéhovah (gr. tô kuriô). 9 Car c’est pour cela que Christ est mort et a repris vie, pour être  Seigneur (gr. kurieusè) et sur les morts et sur les vivants. »

 

Ici, on notera au passage que Paul ne cite absolument plus l’AT, les TdJ n’ont donc aucune raison d’introduire Jéhovah pour traduire “kurios”, si ce n’est le fait que d’autres traducteurs l’ont fait avant eux…

Quiconque lit le texte en grec ne trouvera que “le Seigneur” : On mange ou on jeûne pour “le Seigneur”, on vit ou on meurt pour “le Seigneur”. Pourquoi ? Parce que, nous dit Paul Jésus est lui-même mort et ressuscité pour devenir le Seigneur des morts et des vivants.

Toute le passage est construit autour du mot kurios, et le verbe employé par Paul au verset 9 (kurieusè) renvoie directement à ce mot. En remplaçant ce mot par le nom propre Jéhovah, les TdJ trahissent tout simplement le sens de ce passage.

 

5-Il est pourtant bien question du “Nom” dans le NT

Presque tout est dit dans ce seul sous-titre. Il est bien question du Nom dans le NT, oui !

Mais justement, il n’est question QUE du “Nom”, et plus du vocable Yhwh, auquel on se réfère sans aucun doute allégoriquement, mais plus jamais directement.

 

Par exemple le très célèbre verset de Mat 6.9, qui renferme la prière du “notre-Père” demande la sanctification du Nom de Dieu. Mais les TdJ, qui citent souvent ce verset comme preuve que Jésus fait référence au Nom de Dieu, ne se rendent jamais compte que le nom en lui-même, “Yhwh”, n’apparait justement pas dans ces versets. Jésus n’enseigne absolument pas à ses disciples à employer le nom Yhwh, il ne leur donne pas comme modèle une prière qui commence par : « Yhwh, notre Père… », comme le font pourtant tous les TdJ du monde lorsqu’ils prient.

 

Dans le même ordre d’idée, les TdJ se réfèrent souvent à la longue prière de Jésus, consignée en Jean ch.17. On trouve effectivement cette pensée, citée en boucle par les TdJ (vt.6) :

« J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde »

Les TdJ ont alors coutume de préciser : « Ce nom, c’est Jéhovah ! » Mais ils ne ne remarquent pas, là non plus, que Jésus n’emploie justement jamais une seule fois “Yhwh” dans cette prière, mais parle seulement “du Nom”.Ils remarquent encore moins que deux autres références au Nom apparaissent un tout petit peu plus loin, dans cette même prière (vts. 11 et 12) :

« En outre, je ne suis plus dans le monde, mais eux sont dans le monde et moi je viens vers toi. Père saint, veille sur eux à cause de ton nom que tu m’as donné, afin qu’ils soient un comme nous le sommes. Quand j’étais avec eux, je veillais sur eux à cause de ton nom que tu m’as donné ; et je les ai gardés »

Est-ce que les TdJ diraient encore de ces versets : « Ce nom, c’est Jéhovah ! » ? Le Père a-t-il donné au Fils le nom de Jéhovah ?

Je ne pense pas que les TdJ se hasarderaient à ce genre de déclaration. Ils comprennent bien ici que l’expression “ton Nom” ne désigne pas à proprement parler le vocable “Yhwh”, mais bien quelque chose de beaucoup plus large.

 

Ainsi le raccourci qu’ils opèrent, mentalement ou explicitement, d’associer directement toute mention du Nom de Dieu au vocable “Jéhovah”, ne découle pas du texte de la Bible lui-même, mais encore une fois seulement de leur théologie, de leurs conceptions à eux.

 

Dans ces versets que citent les TdJ comme preuve que Jésus utilisait le nom Yhwh ,il est effectivement fait mention du « Nom » (les Juifs disent Ha-shem, c’est-à-dire « le Nom »), mais le mot Yhwh n’apparait justement JAMAIS, même dans la TMN. Dans ces versets précis, on voit simplement Jésus respecter le plus naturellement du monde la pratique juive, dans la logique du “kiddoush Ha-shem”.

 

6-Comment est-il possible que cette question n’apparaisse NULLE PART ?

En effet, nous venons de voir qu’il est bien question du “Nom” de Dieu dans le NT. Mais comment expliquer que l’usage d’un nom PRÉCIS, formalisé, prononcé, utilisé comme un mot “normal”, pour désigner Dieu ne fasse l’objet du moindre débat dans les Évangiles ?

 

JPEG - 56.2 ko
Pourquoi ne trouve-t-on pas la moindre trace d’un débat autour du Nom divin, ni dans le NT, ni chez les théologiens des tout premiers siècles ?

Pourquoi les Pharisiens, dans les Évangiles, reprochent-ils à Jésus de ne pas respecter le Sabbat, de ne pas se laver rituellement les mains, de discuter avec des impurs, etc, etc. mais JAMAIS ne lui reprochent de prononcer le Nom divin ?

 

On peut d’ailleurs inverser le problème : comment Jésus, qui dans les Évangiles ne s’économise pourtant pas pour dénoncer plusieurs des pratiques rituelles et des traditions des Pharisiens, peut ne JAMAIS leur reproche celle consistant à ne plus prononcer le Nom divin, qui serait pourtant, si l’on suit la logique des TdJ, peut-être la pire de toutes ?

 

Réponse la plus évidente : la question ne s’est jamais posée parce que ni Jésus ni ses disciples ne prononçaient ce Nom, et respectaient eux-mêmes la pratique de leur époque (et comme l’indique d’ailleurs le texte du NT.)

Mais il n’y a pas que ce vide dans le texte lui-même qui devrait nous interpeler, il y a aussi une absence totale de débat autour de ce texte.

 

Si vraiment le Tétragramme avait été présent dans la première version du NT, et qu’il n’apparait plus dans aucun de ces manuscrits aujourd’hui, c’est qu’il y a eu décision de le supprimer. Il a fallu que les scribes d’Égypte, de Syrie ou de Grèce acceptent tous d’opérer la même subtilisation aux mêmes endroits.

 

Mais alors pourquoi ne retrouve-t-on nulle part de traces d’un débat entre les chrétiens du 2nd siècle à ce sujet ? Pourquoi ne trouve-t-on pas d’échanges d’arguments entre ceux qui seraient pour le remplacement du Nom, et ceux qui s’y opposent ?

 

Tous les sujets “chauds” de la théologie chrétienne sont clairement exposés par les Irenée, Justin, Tertullien et compagnie. On lit chez eux le combat contre les “hérésies”, on voit les débats sur la divinité du Christ, sur la tradition apostolique, le combat conte la mouvance gnostique, etc… Pourquoi pas une seule fois n’est-il question d’un débat pour ou contre l’usage du Nom divin dans les Écritures ?

 

JPEG - 123.5 ko
Ils étaient prêts à mourir pour leur foi… mais se seraient désintéressés d’une altération systématique du texte fondateur de cette foi ?

Cela implique de supposer que des fidèles, qui ont lutté corps et âmes au sujet du iota de l’homo(i)ousie, par exemple, prêts à défendre « leur » vérité jusqu’à la mort, qui sont allés pour leur foi nourrir les lions du cirque, ont tous avalé, sans que personne n’y trouve rien à redire, une correction systématique du texte.

Il n’y a donc pas eu ne serait-ce que quelques fidèles pour s’inquiéter de l’altération de la « vérité » textuelle ?

Réponse la plus simple : Si les copistes et les théologiens des premiers siècles n’ont pas débattu de cette question, c’est tout simplement parce que ce Nom n’a JAMAIS figuré dans le NT, et que personne n’a jamais eu à se demander si on devait le substituer ou le conserver.

 

Au passage, on peut encore légitimement s’interroger sur la façon dont sont censés s’y être pris les scribes pour se mettre tous ensemble d’accord, à ce point-là, du seul point de vue “technique”. Ils ont fait comment ? Ils se sont mis d’accord par visio-conférence ?

 

Et non seulement, ils se seraient mis d’accord pour faire disparaitre le Nom des manuscrits, mais en plus ils se seraient arrangés pour faire disparaitre toute trace de leur malversation. Pour la LXX, par exemple, les différentes écoles n’étaient pas d’accord entre elles sur le traitement du Nom divin, et ça se retrouve dans les manuscrits (jusque relativement tard, d’ailleurs, et pas seulement au 1er ou 2nd siècle).

 

Dans le cas du NT, il y aurait donc un complot pour subtiliser le nom, un complot si parfaitement mené qu’il aurait pris soin de faire disparaitre les preuves (c’est-à-dire que les comploteurs s’arrangent pour qu’il ne reste pas une seule filière de manuscrits qui leur échappe). Mais comment s’y sont-ils pris ? Et à une époque où il n’y avait même pas de pouvoir ecclésiastique centralisé, qui plus est ? Car il ne faut pas oublier que ces copistes, qui se seraient tous mis d’accord, n’appartenaient pas à UNE église, mais à une constellation de groupes qui luttaient parfois âprement les uns contre les autres, justement à cause de désaccord théologiques. Étrangement, il n’y a donc que sur cette falsification des manuscrits qu’ils se seraient tous entendu…

Les TdJ réalisent-ils les inepties auxquelles les réduisent les conséquences de leur affirmation ?

 

7- Conclusion : il n’y aura pourtant pas grand chose à faire

Malgré la longueur de cet article, tout cela n’est qu’un rapide tour d’horizon de la question. Nous avons vu comment la Watchtower prétend baser sa doctrine sur la Bible, mais comment en fait, elle n’hésite pas, lorsque cela lui est nécessaire, à baser au contraire “sa” Bible sur sa doctrine.

 

Nous avons vu comment elle affirme comme “faits historiques” ce qui peut au mieux revendiquer le nom de “théorie” (et une théorie bien bancale, du reste).

Nous avons vu comment la Watchtower est capable de prêcher une chose et son contraire, selon ses besoins du moment.

 

Mais malgré tout cela, la doctrine de la Watchtower continue et continuera probablement de s’imposer à ses adeptes.

 

On verra, en complète dissonance cognitive, la plupart d’entre eux préférer prêcher que le texte de la Bible qui s’est transmis à travers les siècles n’est pas fiable, tout en continuant de se réclamer sans réserve de ce même texte.

 

Plutôt que de reconnaitre honnêtement que leur “double doctrine” pose un problème insoluble, la plupart d’entre eux préfèreront, à la lecture d’un article comme celui-ci, taxer d’“apostat” celui qui l’a écrit pour ne pas avoir à affronter de front leurs contradictions.

 

Peut-être certains auront-ils souffert de voir poser tant de questions auxquelles ils ne savent pas vraiment répondre, ou alors de façon tellement alambiquée que ça ne les trompe pas eux-mêmes, alors qu’ils croyaient dur comme fer être incollables dur la Bible, éclairés de la lumière de la Vérité qu’ils ont. J’ai connu un tel malaise, et je sais qu’il n’est pas facile à gérer.

 

La plupart des TdJ iront chercher des réponses toutes faites dans La Tour de Garde, et même si ces réponses ne répondent à rien du tout, ils se persuaderont que c’est là ce qu’il faut croire et prêcher.

 

Néanmoins, ce n’est pas automatique. Certains en viendront peut-être à se re-poser honnêtement les questions qu’ils ont le droit et le devoir de poser. Certains, même parmi ceux qui continueront à penser que la Watchtower est la seule religion à laquelle ils doivent fidélité, sortiront peut-être de cette lecture un peu moins dogmatiques, plus ouverts, moins suffisants dans l’affirmation de leur dogme, moins méprisants pour le discours de “l’autre”, qui est si souvent stigmatisé par les écrits de la Watchtower.

 

C’est à ceux-là que je dédie cet article.

 

Notes :

[1] Notons tout de même que l’immense majorité des TdJ est absolument inconsciente de cette contradiction, puisqu’ils sont souvent parfaitement ignorants que le texte de leur Bible est retouché et n’est pas conforme au texte grec. La plupart du temps, lorsqu’ils le découvrent, l’information leur vient de l’extérieur du groupe, souvent de personnes qu’ils refuseront d’écouter car automatiquement assimilés à des “opposants”.

[2] Bien sûr l’idéal est d’avoir suffisamment conscience de ce qu’est réellement le texte biblique et de comprendre qu’il n’est pas un objet “magique” que l’on agite comme un grigri, pour justifier tout et n’importe quoi. Ceci est valable en dehors du fait d’être croyant ou pas, en dehors même du fait de considérer ce texte comme sacré.

[3] “modernes” au sens historique du terme, c’est-à-dire après le XVe siècle.

[4] Le fait que Paul cite bien la Septante, nous est confirmé par sa citation d’Isaïe 28,16, assez éloignée du texte massorétique que l’on trouve dans l’AT de nos Bibles modernes.

 

Le 11 juin 2010 par Ivan K.

Source : http://www.tj-revelation.org